dimanche 30 octobre 2016

Tatouage et éthique



Mode « vieux shnock » ON

Les anciens tatoueurs, ceux qui m’ont formé, et ceux avant eux, avaient un genre de code d’honneur, une déontologie bien à eux.

Ce n’était pas vraiment un code comme celui des voyous dans les romans à deux balles, et nombreux étaient ceux qui ne s’y soumettaient que peu, mais ceux qui transigeaient étaient mal vus, et, des fois, les manquements trop flagrants se payaient d’un pavé nuitamment lancé dans une vitrine.

Autres temps, autres mœurs, les choses ont changé, et souvent je le regrette.

Dans les pages 32 et 33 de mon bouquin, je faisais référence à ces bonnes habitudes aujourd’hui disparues, et il est probable que si moi-même je cessais de croire en ces us et coutumes d'antan, je gagnerais sans doute plus de fric. Je dois être trop con pour changer !

La non-transmission de ces règles de savoir-vivre incombe, c’est hélas certain, à ma génération.

Revenons-y, pourtant, le temps d’un article nostalgique !

  1. Tu ne dégoiseras pas sur un autre tatoueur en présence de clients. La cuisine interne de la profession, ses haines et ses aspects douteux doivent rester en interne.
  2. Les marques d’encre et, de façon générale, ce qui touche au matos, se transmet de bouche de tatoueur à oreille de tatoueur. Il n’est pas utile de faciliter le boulot aux gribouilleurs clandestins (depuis l’avènement d’internet, il en est pour imaginer que ça ne sert plus à rien, et c’est une erreur que de croire cela).
  3. En t’installant dans une ville pour y ouvrir un studio, va te présenter à ceux qui y sont déjà installés, et ouvre ton shop à bonne distance. C’est de la simple courtoisie professionnelle et ça permet à tout le monde de respirer. Cette pratique de politesse a totalement disparu, et c’est une perte !
  4. Tout tatoueur qui passe dans ton shop est un confrère, et est donc reçu comme tel : un café ou une binouze sont les prémisses de relations fructueuses.
  5. Jamais au grand jamais on n’intervient sur un tatouage en cours, œuvre d’un collègue, pour le continuer ou pour l’achever. C’est là grand manque de respect (dans le chef du client aussi, d’ailleurs). Sauf, bien sûr, s’il y a une nécessité impérative (décès du dit collègue) ou si c’est vraiment moche, cas dans lequel un recouvrement est préférable. Il peut y avoir des exceptions, qu’il faut gérer avec la plus grande prudence.
  6.  On évite de réaliser des tatouages qui porteront préjudice aux clients comme à l’image générale de la profession (croix gammées, ou étoiles sur la truffe d’une gamine, par exemple).
  7.  De casser les prix comme une hyène de base pour gratter de la clientèle, tu éviteras. Ce serait, ici aussi, un bon moyen pour te mettre les collègues sur le paletot, et ne t’inquiète pas, ils trouveront bien le moyen de te faire payer cash ce coup bas

Je dois bien avouer, que je n’ai connu que très peu de véritables gentlemen de l’aiguille, qui vivaient ce code non écrit de façon impeccable et permanente, mais ceux que j’ai connu étaient (et sont encore) parmi les grands du métier, et ils m’ont parfois appris plus en une heure, deux bières et cinq clopes de papote que des mois de pratique.

Merci à eux.

Mode «vieux shnock» OFF